Cruise30 #2: Top Gun
Projet unique dans l’Histoire du cinéma, Top Gun a été réalisé en collaboration avec l’armée américaine, propulsant un jeune acteur aux commandes d’un avion de combat en prises de vue réelles (ou presque), une expérience qui inaugure une méthode de travail révolutionnaire à Hollywood. Si Tom Cruise repousse toujours les limites, exécutant la plupart de ses cascades pour permettre des plans serrés authentiques, au prix de semaines voire de mois de préparation, c’est probablement sur le tournage de Top Gun qu’il y a pris goût. En résistant à la tentation des effets numériques et des doublures, il réaffirme à chaque film son besoin de sensations (The need for speed) et permet le tournage de séquences sans coupures des plus impactantes. C’est devenu une spécialité.
En théorie, un acteur joue la comédie et se fait doubler pour toutes les scènes où il n’est pas indispensable – et surtout dès que son intégrité physique est en danger. Même pour des petites scènes de combat a priori simples, il n’y a aucun avantage à ce qu’un acteur prenne une claque, au risque d’être indisponible pour la continuité du tournage. Les scènes sont donc découpées, parfois excessivement, pour alterner les prises de vue avec l’acteur puis avec sa doublure.
Avec Tom Cruise, on gagne du temps sur le tournage, car il travaille en étroite relation avec les cascadeurs pour apprendre à réaliser lui-même les divers exploits prévus au scénario. Une star qui assume totalement son statut, avec ses responsabilités, qui n’est pas à l’abri des erreurs et donc, des fractures (une cheville cassée sur le dernier tournage, Mission Impossible: Fallout). Et surtout, on réalise des plans inédits.
Encore très jeune et très neuf dans le métier, Tom Cruise profite de plusieurs opportunités lors du lancement du projet Top Gun, qui a d’ailleurs été proposé à une douzaine d’acteurs au bas mot. Il accepte ainsi de voler avec les Blue Angels avant de décider de faire le film (comme il l’explique dans l’émission de Jimmy Kimmel), mais participe également à des séances d’entrainement, exigeant au moins 3 vols à bord d’un F14. Il assiste aussi à toute la préparation du film en compagnie de Tony Scott et de Jerry Bruckheimer, les fameuses réunions de pré-production où tout se décide, afin de mieux connaître le milieu dans lequel il va faire carrière. Un véritable voyage initiatique dans le monde du cinéma auprès de grands producteurs.
Des images magnifiques, inédites et… fausses
Production facilitée et donc en contre-partie validée par le Pentagone, Top Gun est clairement un film à la gloire de l’armée américaine, avec ses élans patriotiques, ses drapeaux omniprésents et un regard politique très orienté – même si par des astuces scénaristiques, on imagine que les auteurs et producteurs ont fait leur possible pour se libérer de cette contrainte majeure. Ce n’est pas un hasard si lors de son introduction aux nouvelles recrues de Top Gun, Viper (Tom Skerritt) indique clairement qu’on laisse la politique aux élus, on est là pour apprendre la combat et la discipline. Il ne faut pas attendre dans Top Gun une quelconque critique du système ou des institutions américaines, un parti pris qui a empêché certaines collaborations avec des artistes qui ne s’y retrouvaient pas (notamment Bryan Adams, qui aurait refusé de participer à la bande originale).
Ayant accès à l’arsenal militaire à des tarifs défiant toute concurrence, l’équipe du film a profité de l’occasion pour réaliser des prises de vues uniques, usant de tous les artifices possibles pour arriver à leurs fins. Ainsi, lorsque les jets se propulsent dans des tourbillons de fumée, il s’agit tout simplement d’un effet obtenu en libérant un peu de kérosène (une technique repérée dans un article très précis du site wearethemighty.com, qui détaille pas moins de 79 erreurs ou libertés techniques du film). Et quand, lors d’un séjour sur un porte-avions en activité, Tony Scott demande un détour pour obtenir un plan à contre-jour avec le soleil couchant, on lui explique que la manœuvre coûterait la bagatelle de $25.000, il obtient gain de cause en sortant son carnet de chèques.
Si le film est réussi, divertissant et apparemment authentique, c’est surtout parce qu’il est essentiellement fictionnel, voire fantaisiste. Pour rendre le combat aérien digeste et sexy, il a fallu renoncer bien souvent à la réalité. Si les textures et les couleurs sont scrupuleusement respectées, l’histoire et les proportions sont adaptées au grand écran. Les avions sont donc bien plus proches que dans la réalité, particulièrement dans la scène mythique où le duo Maverick/Goose se présente, inversé, en tête-à-tête avec un Mig ennemi. Comme le précise encore une fois Ward Carroll (du site wearethemighty), pour obtenir un tel plan, la dérive du F14 de Tom Cruise serait tout bonnement plantée dans le Mig. Des petits détails…
Les relations entre l’équipe de tournage et les studios sont délicates. Le réalisateur Tony Scott est viré du film 3 fois. Les studios estiment qu’il y a trop de scènes de vol, que Kelly McGillis est trop sexy dans certaines scènes.
Une bande originale marquante
C’est l’une des bandes originales les plus appréciées de tous les temps, la plus vendue de 1986. Des thèmes signés Harold Faltermeyer et Giorgio Moroder – le titre archi-connu du groupe Berlin, Take my breath away, a bien été composé par la référence de la musique électro (notamment saluée par Daft Punk) et récompensée par l’Oscar et le Golden Globe de la meilleur chanson originale. des morceaux composés spécialement pour le film comme Danger Zone, interprété par Kenny Loggins.
Sortie en version 10 titres à l’origine, elle est ressortie en 1999 avec 5 titres supplémentaires, et non des moindres. On y retrouve les titres essentiels d’Otis Redding (The dock of the bay) et des Righteous Brothers (You’ve lost that loving feeling), mais également un thème particulièrement émouvant d’Harold Faltermeyer à base de cordes, Memories, utilisé dans l’un des moments les plus forts du film.
- Danger Zone – Kenny Loggins – 3:36
- Mighty Wings – Cheap Trick – 3:51
- Playing with the Boys – Kenny Loggins – 3:59
- Lead Me On – Teena Marie – 3:47
- Take My Breath Away – Berlin – 4:11
- Hot Summer Nights – Miami Sound Machine – 3:38
- Heaven in Your Eyes – Loverboy – 4:04
- Through the Fire – Larry Greene – 3:46
- Destination Unknown – Marietta – 3:48
- Top Gun Anthem – Harold Faltermeyer & Steve Stevens – 4:12
- (Sittin’ on) the Dock of the Bay – Otis Redding – 2:42
- Memories – Harold Faltermeyer – 2:57
- Great Balls of Fire (Version originale) – Jerry Lee Lewis – 1:57
- You’ve Lost That Lovin’ Feeling – The Righteous Brothers – 3:44
- Playing with the Boys (Dance Mix) – Kenny Loggins – 6:41
Lors de son passage dans l’émission The Tonight Show en 2015 pour la promotion du film Mission Impossible: Rogue Nation, Tom Cruise et Jimmy Fallon ont chanté en lip sync le titre des Righteous Brothers. Un grand moment de télévision, qui restera dans au moins une mémoire.
Top Gun est un grand succès aux États-Unis ($177 millions de recettes pour un budget estimé à $15 millions, source Wikipedia) et dans le monde entier ($353 millions). Il réalise 3,5 millions d’entrées en France. C’est une formidable opération marketing pour l’armée américaine (particulièrement la Navy), qui établit des bureaux de recrutement à la sortie des cinémas aux États-Unis. On parle alors d’un bond de 500% des demandes pour devenir pilote.
Le film est dédié à Art Scholl, un pilote légendaire effectuant des prises de vues, tué pendant la production, lors d’un crash dans l’Océan Pacifique alors qu’il avait tenté une vrille à plat pour filmer une séquence. Suite à un problème technique, le pilote n’a jamais pu récupérer le contrôle de l’avion et a disparu en mer.
Cet article fait partie du cycle #Cruise30 – Tom Cruise en 30 films.
Top Gun, de Tony Scott (1986, 1h49). Avec Tom Cruise, Kelly McGillis, Tom Skerritt, Val Kilmer, Anthony Edwards, Meg Ryan, Michael Ironside, Tim Robbins, James Tolkan. Producteurs: Jerry Bruckheimer et Don Simpson. Une production Paramount Pictures, distribuée par United International Pictures (UIP).
Sortie au cinéma le 17 septembre 1986.