Daaaaaali !, nouveau dééélire de Duuupieux
Il était parti loin, suivant un pneu sur l’asphalte américain, s’affirmant comme un cinéaste original parfois inquiétant. Après avoir réinventé Éric et Ramzy, rhabillé Dujardin, secoué le Palmashow (dans Mandibules) et chatouillé Alain Chabat, Quentin Dupieux s’approprie un phénomène culturel de classe internationale et intemporel, l’artiste Salvador Dali. Un rôle attribué à cinq acteurs (ou six, ou sept, on s’y perd), en toute simplicité. Le film Daaaaaali ! est déjà au cinéma (le 7 février 2024), à peine six mois après Yannick, le triomphe estival du même réalisateur décidément prolifique (sorti le 2 août 2024). Et c’est un chef d‘œuvre, à la fois créatif et déjanté, parfaitement écrit et maîtrisé, dans un format toujours assez court (1h18) mais très compact.
Une équipe de choc
Pour sa nouvelle aventure, Quentin Dupieux a refait appel à des comédiens qu’il connaissait déjà – Anaïs Demoustier a joué dans la plupart de ses derniers films, Pio Marmaï a fait sa connaissance sur son film précédent, Yannick, Gilles Lellouche a porté un costume moulant de super-héros dans son avant-dernier film, Fumer fait tousser, Mr Fraize est un habitué, incontournable petit rôle qui marque les esprits. Entrent en scène pour la première fois Edouard Baer et Jonathan Cohen, qui d’ailleurs ne devait pas jouer Dali initialement (il a fait des essais pour le rôle du producteur, finalement attribué à Romain Duris, mais passait son temps à jouer son Dali et s’est donc imposé). Une profusion de contributeurs qui donnent au personnage une dimension unique, hors normes. Et une manière astucieuse d’éviter l’écueil habituel du biopic où un acteur souffre systématiquement la comparaison avec la figure iconique qu’il a la lourde charge d’incarner à l’écran. Chez Dupieux, personne n’a le monopole de Dali, personne ne résume Dali. Dali est multiple. C’est Daaaaaali !
Capitaine d’artisanat
Artiste touche-à-tout, Quentin Dupieux choisit soigneusement ses acteurs, les prépare puis les dirige caméra en main et réalise lui-même le montage du film en cours de route. Il a même envoyé au fur et à mesure des vidéos des performances des uns pour inspirer les autres. Une approche pratique et stratégique qui montre que le cinéaste passe son temps entre plateau de tournage et salle de montage, ce qui lui permet de savoir précisément où il en est chaque jour et de ne jamais perdre pied. Il vit totalement la construction de son film, organiquement – avec une équipe autour de lui, bien sur. Il a ainsi confié la musique à Thomas Bangalter (ex demi-Daft Punk) et la direction artistique à Joan Le Boru.
Un artiste authentique et autonome
De film en film, à un rythme accéléré ces derniers temps, Quentin Dupieux confirme le bien-fondé de sa méthode, qui faute d’affirmer un style bien précis, prouve que son inspiration est juste, pléthorique, avec un sens évident de la mise en scène et une manière efficace et concise de raconter des histoires drôles, subtiles et insolites – une maîtrise du montage qui ravit. On ne s’ennuie pas, même si l’auteur parvient à installer de la longueur dans un format plutôt court – il s’autorise un rythme parfois très lent, peut-être même trop, compensé cependant par des accélérations inattendues, un sens remarquable de la rupture et du gag. Un régal pour les acteurs et actrices, qui ont affaire à un cinéaste original, inspiré et en parfaite maîtrise de ses films, et qui leur donne systématiquement un rôle intéressant, un travail qui les transforme et les transporte. Un authentique artiste qui semble avoir trouvé sa méthode de fabrication ultime, qui réunit un public grandissant, à suivre.
Le réalisateur a présenté Daaaaaali ! dans toute la France. Voici l’avant-première parisienne (deuxième salle de l’UGC Les Halles).
Daaaaaali ! de Quentin Dupieux (1h18, 2024). Avec Edouard Baer, Jonathan Cohen, Anaïs Demoustier, Gilles Lellouche, Pio Marmaï, Agnès Hurstel, Mr Fraize. Un film produit par Atelier de Production en coproduction avec France 3 Cinéma, distribué en France par Diaphana. Le film est sorti au cinéma le 7 février 2024.
