Dans « The Killer », Fassbender rencontre Fincher
Après avoir collaboré avec des grands noms du cinéma mondial comme Quentin Tarantino, Zack Snyder et Ridley Scott, Michael Fassbender avait fait une pause dans sa carrière cinématographique. Il fait son grand retour sous la direction de David Fincher (Fight Club, Se7en, House of Cards) dans un film produit par Netflix pour sa plateforme, The Killer (1h59, 2023). Une association qui promet d’être explosive, avec notamment des passages à Paris. The Killer est sorti sur Netflix le 10 novembre 2023.
Fassbender l’indomptable
Disparu des plateaux pendant 4 longues années pour se consacrer pleinement à une activité annexe, la course automobile, Michael Fassbender est précédé d’une aura mystique. Il a participé à 300 (de Zack Snyder, 1h55, 2007), Inglourious Basterds (de Quentin Tarantino, 2h33, 2009), il a incarné Magneto de la première époque des X-Men dans 4 films avec Jennifer Lawrence et James McAvoy (X-Men: first class de Matthew Vaughn, 2h11, 2011; Days of future past et Apocalypse de Bryan Singer, 2h12, 2014 et 2h24, 2016; Dark Phœnix de Simon Kinberg, 1h54, 2019), tourné trois fois avec Ridley Scott dans Cartel (1h51, 2013), Alien: Prometheus (2h03, 2012) et Alien: Covenant (2h02, 2017) et interprété Steve Jobs dans le film éponyme de Danny Boyle (2h02, 2016). Il a également travaillé sur trois films de Steve McQueen, Hunger (1h40, 2008), Shame (1h39, 2011) et 12 years a slave (2h13, 2014). C’est un acteur charismatique, sensible et nerveux, capable d’alterner calme et colère, à la morphologie passe-partout, de taille moyenne et très svelte, très athlétique mais facilement dissimulé sous quelques couches de vêtements. Le candidat idéal pour se faufiler en ville et exécuter un contrat en toute discrétion.
Fincher l’inimitable
Auteur de films parmi les plus innovateurs de sa génération, David Fincher se fout royalement de ce qu’on attend de lui et poursuit son chemin au gré de ses envies. Si vous pensez que son style s’est émoussé depuis qu’il travaille avec Netflix, du fait de contraintes budgétaires et/ou techniques imposées par la plateforme, vous faites fausse route. Fincher a carte blanche, ou comme le dit si bien Jamel Debbouze, carte bleue. Il a gagné depuis bien longtemps son indépendance artistique et technique, il fait précisément les films qu’il veut, comme il veut et avec qui il veut. Ce n’est donc pas un hasard s’il fait partie de la shortlist des réalisateurs qui ont tenté Michael Fassbender pour son retour au cinéma. Fincher est un artiste totalement libre et qui fait envie à toute la profession. Toujours en collaboration avec Trent Reznor et Atticus Ross pour la musique originale, David Fincher refait équipe avec Erik Messerschmidt pour la photographie (ils avaient déjà collaboré sur Mank en 2020). Il signe un film sensoriel assez extrême, précis, immersif, aux lumières douces, à la limite de l’obscurité.
The killer, un Fincher mineur ?
Après des films monstrueux comme Se7en (2h10, 1996), Fight Club (2h19, 1999), Zodiac (2h36, 2007), The Social Network (2h, 2010) ou Gone Girl (2h23, 2014), difficile de maintenir le cap en proposant une histoire relativement simple autour d’un personnage pas compliqué. Il y a bon nombre de films prodigieux dans une thématique similaire (The house that Jack built de Lars Von Trier, 2h35, 2018, en tête). Et il y a aujourd’hui bon nombre de réalisateurs et réalisatrices visionnaires confirmés qui créent des films électrochoc avec une patte visuelle ou un style narratif unique (Guillermo Del Toro, Christopher Nolan, Zack Snyder, Julia Ducournau). Et alors que la plupart sortent leurs films au cinéma sur les plus grands écrans possibles, Fincher est désormais contraint à une sortie certes mondiale et en simultané, mais à la maison, avec les moyens du bord – la plupart des spectateurs n’ayant pas un home cinema, le film sera vu sur des écrans d’ordinateur voire des téléphones, avec un son qui ne peut restituer efficacement les ambiances si recherchées. Tout cela contribue à minimiser l’événement qu’est censée représenter la sortie du nouveau film d’un cinéaste aussi reconnu et attendu. Et comme il s’agit d’un homme très ordinaire, qui a l’art de se fondre dans le décor, ça peut sembler banal. Il faut donc se concentrer un peu plus, tendre l’oreille et bien observer pour profiter pleinement de l’expérience Fincher x Fassbender.
Un bijou de qualité et de précision
Passer deux heures en compagnie d’un tueur à gages sous les traits de Michael Fassbender, c’est très agréable. Si vous ne remarquez rien d’extra, c’est bien l’intention de l’auteur. Tout est d’une fluidité remarquable, d’une précision d’horloger, tout est dans les détails. Rien n’a été laissé au hasard. Par exemple, vous ne verrez pas le tueur cligner des yeux. La caméra est généralement fixe, mais il arrive qu’elle tremble. La musique joue également un rôle important – elle accompagne essentiellement le protagoniste, mais elle peut se confondre avec la scène qu’il regarde, engendrant une certaine confusion. Bref, si vous avez mal au crâne ou si au contraire, tout vous apparaît comme des évidences, c’est le fruit de l’espièglerie du cinéaste ou de ses acolytes. C’est très subtil et très travaillé. C’est Fincher. Même un film qui peut paraître plus simple que les autres répond à ses exigences habituelles.
The killer est donc bien un Fincher comme les autres, il mérite certainement plusieurs fois votre attention. Ce qui n’est pas pour déplaire à Netflix.
The Killer de David Fincher (1h59, 2023). Avec Michael Fassbender, Tilda Swinton, Arliss Howard, Charles Parnell, Kerry O’Malley, Sophie Charlotte, Emiliano Pernia, Sala Baker, Endre Hules, Monique Ganderton, Lacey Dover, Avant Strangel. Un film produit par Netflix, disponible sur la plateforme le 10 novembre 2023.