Et Sofia Coppola réinventa Elvis
Bien plus discrètement et subtilement que le film éponyme événement de Baz Luhrmann, Elvis (2022, 2h39), Sofia Coppola s’attaque à sa manière au mythe du plus grand rockeur de tous les temps à travers le regard de son épouse, Priscilla Presley. Et c’est une bonne surprise, inattendue, qui fait écho à l’un de ses propres films, le monumental Marie-Antoinette (2006, 2h03). Elle offre ainsi un rôle fantastique à l’un des acteurs les plus en vue de sa génération, Jacob Elordi (The kissing booth, Euphoria, Saltburn). Priscilla (2024, 1h53) sort au cinéma le 3 janvier 2023.
Un Elvis plus vrai que nature
Alors que le livre de Priscilla Presley s’intitule simplement « Elvis et moi » (Elvis and me), le film de Sofia Coppola se distingue en désignant plus directement son autrice, Priscilla, comme si c’était l’héroïne du film. Pourtant, même si c’est à la fois la protagoniste et la narratrice, l’épouse vit bien dans l’ombre et sous la domination de son illustre homme, avec tous les problèmes et abus que cela engendre. Elle est tantôt princesse, tantôt objet, subissant régulièrement, au milieu d’une vie de rêve, à l’abri du besoin, les caprices de la star, dans des séquences qui font grincer les dents. Jacob Elordi incarne parfaitement un Elvis intime, taiseux, à la fois simple et complexe, aux humeurs changeantes et qui évolue tout au long du film. Un portrait délicat, tout en subtilité, qui n’ignore pas les contradictions et les errements du héros, mais ne tombe pas ni dans la leçon, ni dans le drame. Et si l’on s’attarde majoritairement sur sa vie hors de scène, Sofia Coppola se réserve le plaisir de quelques séquences montrant l’artiste en pleine gloire, du plus bel effet. Elle réalise ainsi un film assez complet et très divertissant. Le truc, c’est qu’Elvis mesurait 1,82m et Jacob Elordi mesure 1,96m. Cela lui donne un avantage considérable, il parait plus grand que nature, comme l’impression que pouvait faire le véritable Elvis. Et sa partenaire à l’écran, Cailee Spaeny (1,51m), est plus petite encore que Priscilla Presley (1,63m), ce qui accentue le décalage.
La dure condition de l’épouse de la légende
Cailee Spaeny incarne une très jeune épouse entre rêve éveillé et dure réalité, avec quelques douches froides particulièrement cinglantes. Une partition pas évidente, le danger étant évidemment de jouer la bimbo ou la potiche, surtout face à un tel phénomène. Comme Kirsten Dunst dans Marie-Antoinette, Cailee Spaeny assume son rôle avec aplomb et grâce, illuminant chaque scène et donnant de la profondeur à une existence somme toute monotone et triste. Actrice remarquée à 19 ans dans Sale temps à l’hôtel El Royale (de Drew Goddard, 2018, 2h22) aux côtés de Dakota Johnson et Chris Hemsworth ainsi que dans Pacific Rim Uprising (de Steven S. DeKnight, 1h51, 2018) avec John Boyega et Scott Eastwood, elle confirme son talent éclatant en relevant haut la main l’épreuve de sa réalisatrice, Sofia Coppola, encore une fois très inspirée. Elle fait ainsi honneur à l’autrice et héroïne du film, la vraie Priscilla, en lui donnant à l’écran une vie plus grande que nature, certainement plus belle et iconique que la réalité.
Priscilla de Sofia Coppola (2024, 1h53). Avec Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk, Ari Cohen, Tim Post, Lynne Griffin, Dan Beirne, Rodrigo Fernandez-Stoll, Dan Abramovici, Matthew Shaw, Olivia Barrett, Austin Ball. Un film produit par A24, American Zoetrope, Stage 6 Films, The Appartment, distribué en France par ARP Sélection et à l’international par Sony Pictures, A24 et Mubi. Au cinéma le 3 janvier 2024. Crédits photos: Sabrina Lantos, Philippe Le Sourd.