Les films de… Christopher Nolan
Cinéaste de référence en plein exercice, Christopher Nolan a réussi en quelques films à définir un style unique qui ravit tout autant le grand public, la critique et les financiers, tout en tirant la production cinématographique dans son ensemble vers le haut par ses exigences hors-normes – notamment le choix de tourner au maximum en iMax, environ quatre fois plus cher qu’une solution technique classique, et en effets spéciaux réels, au lieu du numérique. Un art du risque qui défie l’entendement (et les limites de l’endettement), qui laisse parfois sur place le spectateur lui-même, tant l’ambition artistique et intellectuelle de chaque œuvre est démesurée. Après avoir réalisé une trilogie Batman quasi-parfaite, emmené Matthew McConaughey aux confins de la galaxie dans Interstellar (2h49, 2014), revisité un épisode de la seconde guerre mondial dans Dunkerque (1h46, 2017), l’auteur délivre cet été son nouveau chef d’œuvre soutenu par un casting de légende, à propos de l’inventeur de la bombe atomique, Oppenheimer (3h01, 2023). Retour sur 5 films issus de sa filmographie déjà très riche, qui ont marqué les esprits et parfois divisé.
Tenet (2020, 2h30)
Le film d’espionnage mêlant action, stratégie et concepts surnaturels, dont la forme exceptionnelle permet au spectateur de parfois survoler le fond. Un film qu’on peut parfaitement regarder sans rien comprendre, mais en ayant la sensation d’avoir vu quelque chose de très divertissant. C’est un peu le pied de nez du réalisateur à son public, qu’il avait déjà fait mariner une bonne vingtaine de minutes dans Interstellar sans plus d’explications, avant de terminer le film en expliquant tout. Fort de cette expérience réussie, le réalisateur a étendu son exercice d’équilibriste à tout un film de 2h30 bourré d’action, où il donne systématiquement une clé visuelle pour garder le spectateur même le plus confus dans la course, un film extraordinaire qui parvient à donner à la fois le sentiment d’en avoir eu pour son argent, mais de s’être fait entourlouper quand même. On en sort donc humilié mais heureux, curieusement – on ne se plaint pas, car on ne veut pas avouer qu’on n’a rien compris. Un coup de maître.
Insomnia (2002, 1h58)
Réunir Al Pacino et Robin Williams dans un film très sérieux et subtil, avec la dimension surnaturelle apportée par le lieu où le soleil ne se couche jamais, ça classe un réalisateur. C’est dire le crédit dont bénéficie déjà Nolan en 2002, à seulement 32 ans, après le succès de Memento (2000). Un troisième film qui confirme la réputation du réalisateur/auteur dans sa singularité, et qui lui ouvre certainement la voie royale vers des castings de plus en plus pléthoriques. Une enquête haletante, des lieux incroyables, des acteurs au sommet. Que demande le peuple ?
Memento (2000, 2h)
Deuxième film du réalisateur, après Following (Le suiveur, 1h10, 1999), c’est une démonstration de mise en scène avec des éléments très simples. À partir d’un scénario particulier mais pas encore trop complexe à ce stade, par une simple astuce de montage (qui induit évidemment une construction bien plus complexe), Christopher Nolan réussit avec très peu de moyens et de personnel (un Guy Pearce remarquable, quand même) à démontrer comment un scénario original et abouti fait un très grand film, qui marque les mémoires, ironiquement, et va ainsi lancer sa carrière. Il y a un avant et un après Memento. Et cela annonce de très grandes choses, l’aboutissement étant Tenet, dont la complexité de construction à la fois temporelle et visuelle sera poussée à l’extrême. Memento, c’est en quelque sorte son galop d’essai – et c’est déjà extra.
Le Prestige (2006, 2h10)
Film d’époque, où le passé tutoie le futur (en la personne de Nikola Tesla, inventeur visionnaire mais controversé, incarné par David Bowie et assisté par Andy Serkis), Le Prestige est un film monumental avec un casting déjà hors-normes, où chaque acteur, jusqu’au plus petit rôle, délivre une performance marquante. Un univers très vaste, une histoire bouleversante et mystérieuse, une comédie dramatique à grand spectacle qui repose sur un parallelépipède amoureux à géométrie variable (le triangle, trop simple pour Nolan). Deux concurrents acharnés, Christian Bale et Hugh Jackman, leurs épouses successives, Scarlett Johansson, Rebecca Hall et Piper Perabo, la magie et le spectacle, le public, la célébrité et déjà Michael Caine, témoin impuissant mais essentiel. Chef d’œuvre.
Inception (2010, 2h28)
Film dont Cillian Murphy est déjà le héros (sans lui, l’aventure s’arrête), Inception a posé les bases d’un genre à la fois très visuel, très conceptuel et incroyablement divertissant. Un film d’action qui se déroule dans un environnement où toutes les règles peuvent être interprétées ou modifiées à tout moment, le rêve éveillé. C’est un terrain de jeu formidable pour l’auteur, qui fait évoluer ses personnages dans un monde à tiroirs, où rien n’est acquis, tout le monde se perd, sauf le spectateur. Même si certains détails peuvent échapper dans la confusion, on garde le cap car tout est dit en temps réel, puisque les protagonistes se renseignent les uns les autres au fur et à mesure. C’est donc un festival de surprises, mais systématiquement commenté ou justifié. Du beau monde autour de Leonardo DiCaprio, qui tire toujours son épingle du jeu, mais ne marche jamais sur les pieds de ses acolytes qui ont tous leur importance et déjà, leur renommée Dileep Rao, Tom Hardy, Joseph Gordon-Levitt, Elliot Page et Ken Watanabe sur la photo, mais également Tom Berenger et Pete Postlewaite. Une référence, notamment pour la musique signée Hans Zimmer et Junkie XL, qui joue un rôle fondamental dans l’action.
Voir notre article sur Oppenheimer, actuellement en salles.
Oppenheimer de Christopher Nolan (3h01, 2023). Avec Cillian Murphy, Florence Pugh, Robert Downey Jr., Emily Blunt, Jack Quaid, Matt Damon, Rami Malek, Gary Oldman, Jason Clarke, Josh Hartnett, Dane Dehaan, Matthias Schweighöfer, Ben Safdie, Kenneth Branagh, Matthew Modine, Alex Wolff, Alden Ehrenreich. Un film produit par Universal Pictures, Atlas Entertainment et Syncopy, distribué en France par Universal Pictures International France. Sortie du film au cinéma le 19 juillet 2023. Crédits photos: ©2023 Universal Pictures.