L’ultime aventure d’Indiana Jones au cinéma
Si on nous avait dit en 1981, lors de la sortie au cinéma du premier Indiana Jones, Les aventuriers de l’arche perdue (Steven Spielberg, 1h56), que le monsieur au chapeau et au fouet parviendrait à jouer dans cinq films en quarante ans, qui l’aurait cru? Pour raconter cette ultime histoire, James Mangold a bénéficié d’un soutien financier sans précédent (près de 300 millions de dollars) avec un cahier des charges très exigeant. De l’aventure, de l’humour, du style, cet Indy est bien dans lignée des précédents illustres, tous signés Spielberg. C’est de loin l’épisode le plus long de la saga (2h34, contre 2h07 pour Indiana Jones et la dernière croisade, datant de 1989). Si son coût de production étonnant et son accueil mitigé en salles font débat, sa valeur réelle dépasse largement ces considérations. Le studio n’avait donc pas vraiment le choix, il fallait mettre le paquet, l’aventure était trop tentante.
Un ultime Indy pour l’Histoire
Après un quatrième volet en demi-teinte, grâce à la présence en grande forme de son acteur principal, Harrison Ford, dont le charisme et le flegme inimitables n’ont pas pris une ride, Disney s’est payé le luxe d’une suite hors de prix, avec un réalisateur chevronné et reconnu mondialement, James Mangold (Logan, Le Mans 66, Night and day, Copland…). Avec un script solide de sa propre confection, Mangold succède ainsi à Steven Spielberg pour diriger Harrison Ford dans son rôle légendaire au cinéma, pour un baroud d’honneur tonitruant.
La course au destin
Après l’arche d’alliance, le Graal et le crâne de Crystal, Indy reprend du service pour retrouver un artefact en deux morceaux, le cadran de la destinée. Il retrouve sur sa route l’armée allemande, toujours à la recherche effrénée d’un objet rare aux pouvoirs magiques, non plus pour gagner la guerre, mais pour ne pas la perdre. Un dernier élan désespéré en pleine défaite, contre un ennemi qui ne s’avouera jamais vaincu.
Les anglais à la rescousse
Pour donner un second souffle au récit, Indy est épaulé, agacé, challengé par sa filleule, Helena Shaw, interprétée par l’actrice et scénariste britannique Phœbe Waller-Bridge (Fleabag, Broadchurch, Mourir peut attendre). Elle prend la suite de son père, Basil Shaw, ancien compagnon de route de l’archéologue, incarné par Toby Jones (Sherlock, Tetris, voix de Dobby dans Harry Potter). Deux références du théâtre britannique également mondialement célèbre pour leurs carrières au cinéma et à la télévision.
Mads, Thomas et Boyd à leurs trousses
Indy n’est jamais à court d’ennemis, il est donc face à trois menaces bien distinctes : le savant fou revanchard et nazi jusqu’au bout des ongles, Jürgen Voller (Mads Mikkelsen); le Colonel Weber, un officier allemand charismatique subtilement interprété par Thomas Kretschmann (Avengers 2, Walkyrie, King Kong); et l’homme de main sans scrupules, Klaber, incarné par Boyd Holbrook, redoutable traqueur de Wolverine (dans Logan de James Mangold, 2017, 2h17) et du Predator (dans The Predator de Shane Black, 2018, 1h47).
Du CGI à foison, le De-aging et l’IA en question
Si le budget du film est colossal, c’est pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’action se situe sur plusieurs époques très différentes, mais toutes dans le passé, elles nécessitent donc à chaque fois un effort de reconstitution gargantuesque – notamment une parade pour la période la plus récente, pour fêter l’arrivée de l’Homme sur la lune, le 21 juillet 1969. La première partie relate des événements encore plus lointains, à la fin de la seconde guerre mondiale (1945), pendant une vingtaine de minutes, où Harrison Ford et Mads Mikkelsen sont rajeunis numériquement. Le luxe de pouvoir employer les mêmes acteurs à deux âges différents offre une continuité inestimable – on évite l’écueil de ne pas avoir les acteurs principaux à l’écran pendant un laps de temps important. Le film est lancé dès le début, sans rupture.
Malgré les progrès constants et un résultat plus que satisfaisant, le procédé de rajeunissement numérique et la mise en scène induite ne permettent pas d’atteindre le niveau de qualité extrêmement élevé du cinéma. Il y a des légers défauts ici et là, des approximations, des contraintes, et probablement des erreurs dans le processus – la performance des acteurs semble parfois bridée ou caricaturale. Là où un Fincher contraint ses acteurs à recommencer une même scène jusqu’à 99 fois pour obtenir ce qu’il recherche exactement, on accorde encore aux séquences générées numériquement ou issues de séquences réelles et remaniées par l’intelligence artificielle une marge d’erreur visible à l’écran. On tolère pour les séquences générées numériquement une imperfection qui n’est pas de mise à ce niveau de production. Et les studios abusent de cette tolérance en allongeant la durée des scènes produites avec effets numériques bien au-delà du raisonnable.
Une série de choix très coûteux mais payants
Mais c’est un pari payant, au bout du compte. Avec cette concession sur la qualité finale, James Mangold se paye une longue et captivante introduction impliquant d’emblée ses acteurs principaux dans leur propre rôle avec un quart de siècle en moins au compteur, et Harrison Ford réussit son ultime Indy avec panache. Car si le film est long, c’est non seulement qu’il est bourré d’action, mais également de nombreuses scènes de dialogues, où les acteurs et actrices ont tout le temps de s’exprimer. Beaucoup d’émotion, d’intensité et de spectacle. Les aventures d’Indiana Jones au cinéma s’achèvent en grandes pompes avec un meilleur film que le précédent, un acteur légendaire comblé, très ému de participer au Festival de Cannes cette année, où il a reçu une Palme d’Or d’honneur. C’est donc un film très important, qui méritait tout le soin qu’il a reçu. Et si un studio a la folie des grandeurs, c’était en l’occurrence pour la bonne cause, qui s’en plaindra?
Indiana Jones et le Cadran de la Destinée, de James Mangold (2022, 2h34). Avec Harrison Ford, Mark Killeen, Martin McDougall, Nasser Memarzia, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, Olivier Richters, Ethann Isidore, Joe Gallina, Boyd Holbrook, Antonio Banderas, John Rhys-Davies, Toby Jones. Un film produit par Paramount Pictures, Walt Disney Pictures, Lucasfilm Ltd., distribué en France par The Walt Disney Company France. Sortie au cinéma le 28 juin 2023. Crédits photos: Disney – Tous droits réservés.