Canet s’engage pour la bonne cause « Au nom de la terre »
À peine un an et demi après s’être défendu contre le jeunisme ambiant dans Rock’n Roll (dans la société en général, mais plus particulièrement dans sa profession), Guillaume Canet n’a pas hésité à tout donner pour le film d’Edouard Bergeon, Au nom de la terre. Jusqu’à sa chevelure! L’acteur apparait donc fatigué, dégarni, usé par un système totalement déréglé, pour tirer la sonnette d’alarme auprès de ceux qui ont le pouvoir d’agir chaque jour face à leur assiette: les consommateurs – vous, moi, nous tous. Une expérience particulièrement sensible car l’acteur incarne à l’écran le père du réalisateur, avec pour mission de restituer le plus fidèlement possible un drame familial bien réel, une histoire vraie qui a valeur d’exemple pour tout le secteur agricole en France. Un projet ambitieux.
Bajon, Canet, Rufus – 3 générations de monstres sacrés
Pour reconstituer sa propre famille, l’auteur et réalisateur Edouard Bergeon a choisi trois figures emblématiques du cinéma français. Anthony Bajon, qui incarne le fils (Thomas Jarjeau), est un jeune talent déjà reconnu – il vient de remporter un prix d’interprétation au Festival du film d’Angoumème, le Valois du meilleur acteur et avait déjà remporté l’Ours d’argent du meilleur acteur au Festival de Berlin en 2018 pour sa prestation dans La prière (de Cédric Kahn, 2018, 1h47). Rufus, le grand-père (Jacques Jarjeau), est un monument historique du cinéma français qui s’illustre régulièrement dans des grands films – il avait notamment interprété le père d’Audrey Tautou dans Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (de Jean-Pierre Jeunet, 2001, 2h09). Et enfin Guillaume Canet (Pierre Jarjeau).
Un rôle à César pour Guillaume Canet ?
Finis les rôles de jeune premier, séducteur ou de jeune papa intrépide (Mon garçon de Christian Carion, 2017, 1h24), Guillaume Canet assume pleinement son âge et s’investit totalement dans un rôle délicat, celui d’un exploitant agricole surmené et dépressif, déjà devenu l’ombre de lui-même – il regarde avec nostalgie les photos de sa carrière américaine en se grattant le dessus du crane lisse. Depuis sa performance remarquée en tant que policier dérangé (La prochaine fois je viserai le cœur, de Cédric Anger, 2014, 1h51), l’acteur-réalisateur n’avait pas retrouvé de rôle aussi complexe et loin de lui-même. Une belle composition, dramatique, à la dimension des enjeux sociétaux et économiques, avec des relations familiales authentiques – sa vie de couple avec Veerle Baetens, qui est également sa partenaire professionnelle, sa relation avec son fils et enfin, sa relation avec son père.
Un entourage à toute épreuve
Dans le rôle de la mère (Claire Jarjeau), on retrouve une actrice flamande exceptionnelle, Veerle Baetens, aperçue récemment au cinéma dans le film Duelles (d’Olivier Masset-Depasse, 2019, 1h33). Le grand public la connait pour sa prestation extraodinaire de chanteuse dans un groupe de musique country pour le film Alabama Monroe (César du meilleur film étranger en 2014), les plus chanceux l’ont vue sur la scène de l’Olympia pour le dernier concert du groupe, le Broken Circle Breakdown Bluegrass Band (le 12 octobre 2015). Artiste accomplie, elle a également écrit et réalisé une série en 2018, Tabula Rasa (9 épisodes diffusés sur ZDFneo). Elle incarne avec aplomb et sensibilité la femme de l’exploitant, comptable à la ville et donc comptable « maison » par la force des choses, assumant son rôle de maîtresse de maison et ses deux jobs à plein temps, qui regarde bien en face les difficultés financières grandissantes de l’exploitation familiale et doit confronter son mari, de plus en plus en décalage. Sa fille, Emma, est interprétée par Yona Kervern, dont c’est la première apparition au cinéma.
Une situation dramatique à grande échelle
Le thème de fond est au cœur de l’actualité en France mais aussi dans de nombreux pays – il fait l’objet d’une autre fiction en salles actuellement, Mjolk, la guerre du lait (de Grímur Hákonarson, Islande, 2019, 1h30). Pour consolider leur activité malgré la chute des prix de vente et continuer à rembourser des lourds emprunts, des exploitants agricoles sont encouragés à diversifier leur activité avec des mécaniques d’aides et des incitations diverses, augmentant leur charge de travail et les exposant à encore davantage de dettes, tout en épuisant les sols et les ressources naturelles. Des projets fous souvent construits sur des bases trop optimistes, avec un marché en constante dépression – poussant les producteurs à produire toujours plus, parfois à perte, et donc pour gagner toujours moins. Des situations dramatiques qui acculent certains à la dépression et parfois même au suicide.
Des correctifs humains au système
Pour enrayer ces systèmes déviants et soutenir le monde paysan, la mobilisation s’organise autour de principes fondamentaux. Alors que la grande distribution fait pression sur les producteurs pour baisser les prix (tout en augmentant ses marges), le consommateur est invité à ne plus exiger des prix excessivement bas, à vérifier la provenance des produits qu’il achète et à privilégier la production locale – voire carrément à opter pour des circuits plus courts en se rapprochant des producteurs locaux. On encourage de plus en plus les consommateurs à être de véritables acteurs du marché, en conscience, en se posant la question non seulement de la provenance, du prix réel mais aussi de la saisonnalité des denrhées alimentaires qu’ils achètent, afin d’être davantage en phase avec la production locale selon les saisons.
Solidarité paysans – des projections en soutien à l’association
Dimanche 29 septembre 2019, pour chaque place de cinéma achetée, 1€ sera reversé à l’association « Solidarité Paysans ». C’est le jour où jamais de faire une double bonne action: soutenir à la fois le cinéma et l’agriculture françaises.
Au nom de la terre, de Edouard Bergeon (2019, 1h43). Avec Guillaume Canet, Veerle Baetens, Anthony Bajon, Rufus, Samir Guesmi, Yona Kervern. Un film produit par Nord-Ouest Films, France 2 Cinéma Artémis Productions et Caneo Films, distribué par Diaphana Distribution. Sortie au cinéma le 25 septembre 2019. Crédits photos: Diaphana – Tous droits réservés.