Nicky Larson au cinéma, l’incroyable défi de Philippe Lacheau

Une annonce comme celle-ci, ça fait forcément grincer des dents. Fifi Lacheau, de la Bande à Fifi, auteur de Babysitting 1 et 2 et d’Alibi.com, s’attaque à l’adaptation de l’animé Nicky Larson au cinéma. Comique ou tragique, cette annonce avait de quoi étonner, intriguer, choquer. Surtout si on ne connait pas vraiment cet auteur-interprète à l’humour parfois franchement potache. Mais c’était avant. Le film sort ce mercredi au cinéma, le 6 février 2019, après une longue tournée d’avant-premières dans toute la France. Et c’est une réussite.


Philippe Lacheau est non seulement doué pour la comédie, avec son physique passe-partout et qu’il semble pouvoir sculpter à volonté (un corps de dingue souvent bien caché, à la fois svelte et musclé, très pratique pour enfiler impeccablement tous types de costumes), il était le candidat idéal pour incarner un personnage de dessin animé. Véritable caméléon, il était naturellement très inspiré par Nicky, le super-héros brun, facétieux et surtout un redoutable justicier. Philippe Lacheau, c’est le gars excellent, surdoué, qui travaille énormément, mais qui se cache en permanence derrière le masque du bouffon. Pas étonnant qu’il soit passé sous les radars des critiques.

Mais il suffisait de voir ses états de service pour comprendre. Auteur, réalisateur et acteur, il connait parfaitement son équipe, bien rodée après une longue aventure télé et déjà quelques succès au cinéma. Pour lui, l’adaptation de Nicky Larson est une évidence. C’est l’occasion de prendre une toute autre dimension, à condition de mettre le paquet. Pas question de refaire alibi.com ou Babysitting, au risque de décevoir son public. On range les accessoires salaces, on prend l’avion pour rencontrer le créateur de la série, Kenji Kodama, et on fonce… avec la bande à Fifi dans les bagages.

Un équilibre parfait entre action, comédie et intrigue.

Loyauté, certes. Mais la bande à Fifi, c’est surtout une équipe de grand talent, capable de passer du rire aux larmes en un instant. Au centre du casting, la ravissante Elodie Fontan, contre-point idéal à la facétie de Philippe, c’est une actrice rare qui apporte un peu de tout: du charme, de la nuance, du sérieux et un humour à froid très efficace. Méconnaissable en Laura, garçon manqué avec une perruque impossible, elle est parfaite. Elle apporte une crédibilité indéniable au projet.

Dès lors, Philippe Lacheau part à la conquête des fans. Il intègre non seulement le personnage de Nicky et son univers, mais également l’écosystème français autour de l’animé dans lequel se reconnaissent les fans de la première heure. Il invite ainsi le chanteur du générique français, Jean-Paul Césari, mis à l’honneur en tenue de gala dans une version jazzy du titre; il offre un cameo touchant à Dorothée, la maîtresse de cérémonie des mercredis après-midis pour toute une génération. Ils ont participé à l’avant-première parisienne au Grand Rex, vendredi 1er février, dernier grand rendez-vous avant la sortie en salles (le 6 février). Une très belle fête.


Le respect absolu de l’original

En conservant son équipe, y compris Didier Bourdon, l’auteur a mis sa brigade toute entière au service du film. Le pire qui pouvait arriver, c’était un univers d’origine ramené aux dimensions d’alibi.com (une comédie honnête, mais qui ne pouvait prétendre abriter l’univers de Nicky Larson). L’idée était donc d’avancer tous ensemble et de tenter l’expansion ultime en incorporant dans le groupe l’ensemble des éléments permettant de donner vie à l’animé sur grand écran. Et si les complices Julien Arruti et Tarek Boudali poursuivent une route familière avec leurs personnages respectifs, tout le monde est bien monté d’un cran pour marquer une évolution évidente – au prix de leçons de pole dance et une certaine complicité avec une famille de canards. Il fallait se montrer à la hauteur de l’enjeu.

Philippe Lacheau a donc recruté du beau monde pour peupler un univers riche: Raphaël Personnaz, Gérard Jugnot, Chantal Ladesou (beaux yeux…), Audrey Lamy, Jarry et Medi Sadoun, ainsi qu’une kyrielle de petits rôles remarquables – mentions spéciales pour Dan Sluijzer, « maton » irrésistible et Hedi Bouchenafa, malfrat éloquent.

Pamela Anderson dans Nicky Larson? Une invitation osée mais inspirée.

Parmi les gros bras, on trouve ainsi Kamel Guenfoud, Jérôme Le Banner et Wahid Bouzidi (physionomiste à l’entrée d’une soirée de gala), tous trois avec un physique hors normes, parfaitement intégrés dans leur rôle. Kamel Guenfoud, dont c’est le premier rôle au cinéma, fait preuve d’une présence incroyable derrière ses lunettes, non seulement avec une stature unique complètement dans l’esprit de l’animé – un physique démesuré qui incarne parfaitement la puissance, avec des muscles parfaits – mais surtout un jeu juste. Un vrai dur tout en muscles, au tee-shirt ajusté, tout droit sorti d’un dessin animé. Une trouvaille!

Pour incarner le grand méchant charismatique et son bras droit de charme (la fameuse dame tatouée qui n’a malheureusement pas de nom), l’auteur a fait appel à Arben Bajraktaraj, l’un des mange-mort de Harry Potter également aperçu dans le film Taken, secondé par Reem Kherici à mi-chemin entre Storm (X-Men) et Fish Mooney (Gotham). Une transformation incroyable!

C’est la clé du succès: une adaptation parfaitement maîtrisée, sans fausse note, dans laquelle chaque élément trouve sa juste place.

La révélation Fontan

Au milieu de ce majestueux édifice, il y a la femme. Laura, la sœur de son ami, celle qu’il ne doit pas approcher. Elodie Fontan, c’est une actrice déjà bien connue (à l’affiche actuellement dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon dieu?) qui apporte au film une dimension à part. Belle et douce, elle est également déterminée et terre-à-terre, le contrepoint idéal à la facétie de Nicky, le partenaire parfait d’un éternel ado. C’est elle qui fait la bascule entre les scènes comiques et les élans dramatiques, donnant le ton avec aplomb et profondeur. Un jeu tout en émotions et en nuances, particulièrement convaincant.

Une écriture précise, parfois ambitieuse

Il y a des pépites un peu partout dans le film. L’une d’elles, savoureuse, concerne Pamela Anderson, star des années 90 encore une fois parfaitement intégrée à l’histoire, et particulièrement soignée par l’auteur; ses interventions sont précises, bien senties, voire totalement improbables (vous le verrez dans le film, impossible de la spoiler). Pamela Anderson dans Nicky Larson? Une invitation osée mais inspirée.

Avec Philippe Lacheau, chaque cartouche compte. Et il n’a pas fait venir les guests pour rien. Son film, c’est comme un kata, parfaitement exécuté dans les règles de l’art. Il semble s’être fixé un ensemble de règles, qu’il n’enfreint jamais. Aucune vanne gratuite, aucun hasard, aucune vulgarité.

Un peu de tout, avec modération

Le dernier piège aurait été d’abuser des effets de manche propres à l’animé – l’oiseau qui passe en arrière-plan, le marteau de Laura, les effets style « dessin animé ». Philippe Lacheau passe tout l’univers en revue, n’oublie personne, mais n’abuse jamais. Mieux, il parvient à innover – au lieu de répéter un effet, il le renouvelle. Le marteau est remplacé par une masse, avec laquelle Laura détruit une partie de l’appartement, par exemple.

Une dynamique imbattable

Si la bande à Fifi a réussi son pari, c’est certainement une question de rythme et d’équilibre. En effet, l’animé avait son propre tempo, très dynamique, parfaitement rendu à la fois dans le montage, la mise en scène et l’interprétation des acteurs sur grand écran. Un rythme impeccable, un film bien compact, la folle aventure tenant dans à peine 1h31. Et un équilibre parfait entre action, comédie et intrigue. Une aventure ambitieuse, unique en son genre, qui devrait ravir les spectateurs.


Nicky Larson, de Philippe Lacheau (2019, 1h31). Avec Philippe Lacheau, Elodie Fontan, Julien Arruti, Tarek Boudali, Didier Bourdon, Arben Bajraktaraj, Kamel Guenfoud, Raphaël Personnaz, Pamela Anderson, Reem Kherici, Jarry, Dorothée. Un film produit par Sony Pictures Entertainment France, distribué par Sony Pictures Releasing France. Sortie au cinéma le 6 février 2019. Crédits photos: Sony Pictures – Tous droits réservés.

OncleGil