Sicario 2 : le retour des barbouzes à la frontière Mexique-USA

Après des apparitions remarquées dans les productions interplanétaires Disney (Marvel et Star Wars), Josh Brolin (Thanos dans Avengers: Infinity War) et Benicio Del Toro (DJ dans Star Wars Episode VIII) reprennent du service dans une suite intrigante de Sicario, avec des rôles plus « terre à terre ». Armés jusqu’aux dents et déterminés à déranger les tous-puissants cartels mexicains qui contrôlent à la fois traffics de drogue et d’humains via la frontière Mexique-USA, les soldats de l’ombre sont désormais libérés de toutes contraintes réglementaires à la faveur d’un événement inattendu et pensent pouvoir enfin lutter à armes égales. Mais le combat est-il vraiment équitable?

Alors que dans Sicario (2h02, 2015), Denis Villeneuve montrait avec fatalisme l’action des services combattant le traffic de drogue via la frontière USA-Mexique, dénoncée par une Emily Blunt désabusée, on reprend espoir avec Sicario – La guerre des cartels (1h24, 2018) avec une opération coup de poing destinée à provoquer un conflit interne, de nature à faire imploser toute une infrastructure bien installée depuis tant d’années. De la malice, du bon sens, un plan intéressant… et surtout un rapport de forces moins inégal.

L’incursion d’un agenda politique au profit d’une attaque terroriste sur le sol américain, accordant des moyens plus importants pour « ennuyer » les cartels, donne une dimension à la fois intéressante et inquiétante. L’histoire est d’autant plus captivante, mais on peut se demander jusqu’où sera prêt à aller un pouvoir politique cynique à courte vue, participant à une guerre par pur opportunisme dans le but de remporter une bataille, sans réelle volonté ni intérêt d’en finir pour de bon.

Outre l’opposition entre le service fédéral de Matt Graver (Josh Brolin) et les cartels, il faut compter avec une hiérarchie pesante et hésitante côté américain et une corruption catastrophique des services de police mexicains. Une confusion générale qui empêche toute manœuvre logique et coordonnée, dans un environnement particulièrement hostile et impraticable ce qui ramène inévitablement à la question centrale du déséquilibre des ressources, les cartels jouissant d’une puissance financière tellement supérieure sans comptes à rendre, ce qui fausse les données du conflit.

D’où l’importance de l’énigmatique Alejandro (Benicio Del Toro), le soldado qui navigue entre deux eaux, seul agent pouvant survivre et opérer en échappant à toute supervision, amicale ou ennemie. Un véritable ninja à la sauce mexicaine, spécialiste du désert et de la dissimulation. Cela rappelle Rambo II (pour l’agent solitaire et la hiérarchie aux objectifs variables) mais également Traffic, de Soderbergh (pour la guerre inégale, qu’on n’a aucun moyen de gagner).

Signé Stefano Sollima, réalisateur de la série TV Gomorra (2016), des films A.C.A.B (All cops are bastards, 1h52, 2012) et Suburra (2h15, 2015) et écrit par Taylor Sheridan, scénariste du Sicario original (de Denis Villeneuve, 2h02, 2015), Comancheria (de David Mackenzie, 1h42, 2016) et Wind River (également réalisateur, 1h47, 2017), ce Sicario-là a le mérite de nous faire vivre 90 minutes en zone de conflit, dans l’incertitude permanente, avec l’illusion que les « bons » peuvent l’emporter, savent ce qu’ils font, avancent… Au bout du compte, un carnage incessant et peut-être plus de doutes et de questions, de regrets et de désillusions.

Un film qui ressemble à un documentaire, très crédible et passionnant, qui donne à réfléchir. Une mise en scène et un montage impeccables, des acteurs totalement investis et remarquables (notamment deux révélations, Isabela Moner très juste en captivité et Elijah Rodriguez qui se transforme de manière improbable en trafiquant tatoué, une présence incroyable) des plans magnifiques de jour comme de nuit, une suite parfaitement maîtrisée, originale et captivante de bout en bout.


Sicario – La guerre des cartels, de Stefano Sollima (2018, 1h24). Avec Josh Brolin, Benicio Del Toro, Matthew Modine, Isabela Moner, Elijah Rodriguez, Catherine Keener, Manuel Garcia-Rulfo, Jeffrey DonovanUne production Lionsgate, distribuée par Metropolitan FilmExport. Sortie au cinéma le 27 juin 2018. Crédits photos: Richard Foreman, Jr. SMPSP © 2017 CTMG, Inc. Tous droits réservés.

OncleGil