Nobody, le tonton flingueur américain qui cartonne

Bob Odenkirk est probablement l’homme le moins sportif de la planète. Auteur comique et comédien américain découvert par le grand public sous les traits de Saul dans la série Breaking Bad (de Vince Gilligan, 5 saisons, 2008-2013), il n’était pas destiné à devenir la star d’un film d’action au cinéma. Mais comme c’est un acteur fantastique, qui n’a pas froid aux yeux, il a relevé ce défi très particulier avec panache. Entre deux saisons de sa propre série, Better call Saul (de Vince Gilligan, 2015-présent, dont on attend la saison 6), Ilya Naishuller lui a offert son premier rôle en tant que tête d’affiche dans Nobody (2021, 1h32), dans un genre inattendu. Bienvenue dans la magie du cinéma d’action en 2021, où visiblement n’importe qui peut devenir John Wick. Enfin, presque…


Un héros toujours plus chétif

Jadis, le film d’action était réservé aux gros bras d’Hollywood. Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone ont inspiré une génération entière de nanars musclés dans les années 80, la décénnie glorieuse de la VHS et des vidéo clubs. Puis le genre s’est affiné avec les arrivées de Mel Gibson et Bruce Willis, avec les franchises L’arme fatale et Die Hard, des acteurs plus légitimes contraints toutefois à un régime sportif adapté à leurs rôles respectifs. Et lorsque Luc Besson a fait de Jason Statham puis Liam Neeson les têtes d’affiche de ses films d’action made in France (Le transporteur et Taken, films européens à petit budget en comparaison de leurs semblables américains), le genre a atteint un point de non-retour. Si Statham était un ancien plongeur olympique et Neeson un ancien boxeur amateur, Europa Corp a démontré par l’exemple que les muscles et les capacités en sports de combat étaient devenus facultatifs pour incarner un héros de film d’action au cinéma. Avec Nobody, on passe officiellement un nouveau cap, n’importe qui peut devenir une star du film d’action à l’américaine.

Entre Red et John Wick

Difficile de ne pas penser à John Wick (de Chad Stahelski et David Leitch, 2014, 1h41) en termes de mise en scène et d’ambiances – Bob Odenkirk marche clairement sur les traces de Keanu Reeves, même s’il n’a pas les mêmes prétentions et un âge plus avancé, qui le rapproche plus du retraité dangereux incarné par Bruce Willis dans Red (de Robert Schwentke, 2010, 1h51). À la différence que Hutch Mansell n’est pas un ancien tueur à gages superstar, mais un ex-millitaire des forces spéciales, avec un tatouage spécifique, que les vrais reconnaissent. Une autre forme de Baba-Yaga, qui a tendance à prendre plus de coups, sans doute un peu plus rouillé, sous ses airs de citoyen lambda. Pour ce rôle hors-normes, Bob Odenkirk a dû se préparer comme jamais (deux ans d’entrainement aux sports de combat), le résultat est impressionnant.


Un méchant exceptionnel

S’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir un antagoniste unique dans ce genre de film, où le héros est généralement aux prises avec une horde d’anonymes armés jusqu’aux dents, il convient de saluer l’effort particulier dont a bénéficié Aleksey Serebryakov, acteur russe remarqué pour sa prestation dans Leviathan (d’Andrey Zvyagintsev, 2014, 2h21). Yulian Kuznetsov n’est pas n’importe qui, il croise la route de la famille Mansell par hasard, n’ayant a priori aucun lien de près ou de loin. C’est une figure du crime organisé russe sur le sol américain, actionnaire et gérant d’un club prestigieux qui abrite l’un des flux financiers russes majeurs de la région. Un homme redoutable, qu’on devrait éviter à tout prix. Il a une gueule et une énergie uniques, un authentique fou furieux sous des airs paisibles qui fait une excellente impression dès sa première apparition à l’écran. Le monsieur convaincant, qui donne au film une dimension supplémentaire.

À la conquête des salles de cinéma

Pour son baptême de feu en tant que tête d’affiche au cinéma, l’éternel second rôle qui a enfin percé avec le rôle de Saul Goodman et bien profité de cette notoriété (pas moins de deux séries déjà, dont l’une en tant que personnage principal) continue à montrer l’étendue de son talent de comédien. Déjà remarqué pour ses compositions variées dans la série Fargo (de Noah Hawley, saison 1, 2014) et dans des films comme Pentagon papers (de Steven Spielberg, 2018, 1h57), il porte aujourd’hui sur ses épaules un film très plaisant, entouré de têtes connues (Connie Nielsen, Christopher Lloyd et Michael Ironside). Sa reconversion après l’arrêt inévitable de la série Better Call Saul (saison 6 en approche) est assurée, Bob Odenkirk est désormais un acteur bankable à Hollywood. Si on nous avait dit ça il y a 10 ans…


Nobody (de Ilya Naishuller, 2021, 1h32). Avec Bob Odenkirk, Aleksey Serebryakov, Connie Nielsen, Christopher Lloyd, Michael Ironside, Colin Salmon, Robert Fitzgerald Diggs, Billy MacLellan, Gage Munroe, Paisley Cadorath. Un film produit par Universal Pictures, 87North, Odenkirk Provissiero Entertainment et Eighty Two Films, distribué en France par Universal Pictures International France et à l’international par Universal Pictures. Au cinéma le 2 juin 2021. Crédits photos: Universal Pictures – Tous droits réservés.

OncleGil

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