Knock de Lorraine Lévy (2017)

Le docteur Knock est revenu au cinéma dans une interprétation originale, sous la gouverne de Lorraine Lévy et sous les traits d’Omar Sy. Un projet ambitieux, en rupture avec l’œuvre originale et notamment le film référence de 1951, avec Louis Jouvet. Un renouveau logique, car à quoi bon refaire un classique à l’identique un demi-siècle plus tard? Une prime à l’initiative.

Une réalisatrice exigeante

Quand on se bat pendant 8 ans pour un projet, même si ce n’est pas à plein temps, cela trotte toujours quelque part dans un coin de la tête, cela démontre une pugnacité hors du commun. La tâche de réalisateur-auteur en France est souvent un travail de longue haleine, mais dans le cas de Knock, Lorraine Lévy joue le record.

Le résultat est à la hauteur de l’investissement. Une mise en scène soignée, un rythme précis, entrainant, le Knock moderne est jeune, beau et fringant. Des répliques qui touchent, des face-à-face dynamiques, une histoire qui ne s’endort jamais.

Un casting pléthorique

Pour dire ces répliques aussi justement, il fallait des acteurs de grand talent. Deux acteurs de la Comédie Française, déjà. Et une troupe de têtes non seulement connues, mais reconnues. S’il y a bien un grand rôle au centre du projet, il n’y a pas de seconds rôles. C’est une parterre de stars de tous horizons qui accompagne Omar Sy dans cette aventure.

On retrouve donc Hélène Vincent, aperçue dans Le Sens de la Fête et Marie-Francine, notable fortunée et véritable pilier de la communauté, gracieuse et sans âge, ainsi que Sabine Azéma, dans le rôle de la Cuq, cliente de référence pour le docteur car hypocondriaque et Rufus, en vieux Jules, client de référence du café. Christian Hecq est un facteur à la fois drôle, pataud mais vif, un personnage-clé qui crée le lien social et aide le docteur à se faire connaître, et à connaître sa clientèle – il donne donc souvent la réplique à Knock, un duo attachant et inspiré. Michel Vuillermoz (Cyrano au théâtre sous la direction de Denis Podalydès) est le pharmacien mal servi par le précédent docteur, Parpalaid (Nicolas Marié, de 99 francs à La Folle histoire de Max et Léon, pensionnaire des films d’Albert Dupontel), à qui il envoyait des malades que jamais il ne revoyait, et Audrey Dana sa femme, en proie au désespoir, qui cherche le réconfort. Alex Lutz est le curé Lupus, résolument lucide et imperméable au charme du docteur qui entend bien défendre sa paroisse, levant le voile sur un passé génant, en la personne de Lansky, malfrat tapageur incarné par Pascal Elbé. Et enfin Ana Girardot (La prochaine fois je viserai le cœur, Ce qui nous lie), la belle Adèle, que toute le village semble apprécier.

Le choix d’Omar

La réalisatrice le dit sans détour, son Knock devait être solaire, et c’est pourquoi il fallait Omar Sy. L’acteur apporte sa présence lumineuse, physique, inspirée, un regard neuf sur une partition classique, qui répond parfaitement au souhait d’originalité de la réalisatrice. On retrouve bien les « tubes de l’été », mais dans une interprétation neuve, absolument pas complexée par les illustres prédécesseurs. Donc non, ce n’est pas Jouvet, et heureusement, car l’erreur eût été de tenter de réincarner le personnage dans la même veine que l’acteur-référence, sans cesse évoqué par la critique.

Car le bonheur du Cinéma, ce n’est pas de rester figé, paralysé par le souvenir d’illustres prédécesseurs, mais de se renouveler. Chaque œuvre mérite de vivre, que ce soit au théâtre en 1921, au cinéma en 1950 ou en 2017. Avec leur Knock, Omar Sy et Lorraine Lévy ont réussi un pari ambitieux, sans complexes, une comédie grandiose, familiale, drôle et touchante, un vrai grand film moderne en costumes anciens, avec de la couleur et de la lumière, qui permet à une nouvelle génération de découvrir cette histoire en salles, et aux générations précédentes de le redécouvrir. Et les spectateurs pourront également revoir le Knock de Jouvet, jouer au jeu des comparaisons, sans fatalement tenter de les départager.

Car l’idée n’est pas de diviser le public, mais bien de le rassembler autour d’une œuvre décidément intemporelle, qui ne cesse de renaître. Une très belle idée, réalisée avec talent, acharnement et bienveillance.

OncleGil