Terminator – les suites au rebut

Renversant. Auteur des deux premiers Terminator, après avoir juré qu’il en avait terminé avec cet univers, James Cameron a décidé de reprendre son œuvre là où il s’était arrêté, ignorant de fait les 3 épisodes auxquels il n’avait pas participé (3-5). Un pied de nez singulier, prenant acte du fait que ces trois tentatives avaient manqué leur cible, le dernier ayant tellement perturbé la timeline qu’il semblait impossible de poursuivre dans cette voie-là. L’Histoire étant perpétuellement réécrite, tout est permis. Retour sur ces 3 films désormais renégats qui ont tout de même leurs qualités – et qui restent parfaitement visibles.

Terminator 3, le soulèvement des machines  (Jonathan Mostow, 2003) – lendemain de fête et gueule de bois

Comme les Chicago Bulls post-Jordan (1999), Terminator 3 est une suite maudite. Privée de son auteur vedette, la franchise enregistre d’emblée un déficit de crédibilité, malgré la continuité assurée par la présence d’Arnold Schwarzenegger. Terminator sans Cameron, c’est la sensation de revenir dans la norme. Un choix curieux pour incarner John Connor, l’absence de Sarah Connor, des concepts moins carrés (un nouveau Terminator, le T-X), ce bébé non-désiré par son créateur est un peu vilain, en comparaison des précédents. Un air de téléfilm après le blockbuster T2.

Cependant, l’aventure est palpitante, originale, avec des poursuites ahurissantes, osées, de l’humour et quelques trouvailles. L’équipe a vraiment fait un film ambitieux compte tenu des circonstances, un épisode pertinent pour les fans, car il illustre les heures précédant le jour du jugement dernier. Avec Claire Danes (Romeo + Juliet) dans le rôle de la « girl-next-door » promise à un destin post-apocalyptique glorieux, si toutefois elle survit. Et Nick Stahl dans le rôle du John Connor le moins brillant de toute la série – on le prend à un moment difficile de sa vie, mais c’est un bon garçon. Arnold déroule, sans surprise, sa prestation de cyborg faisant toujours recette. C’est bien lui que le public veut, il remplit sa mission.

Symbole de l’acharnement et de la surenchère des machines contre John Connor, le nouveau Terminator, incarné par l’actrice-mannequin Kristanna Sommer Løken, bouscule les concepts établis par James Cameron. Encore plus puissant que le T-1000 de T2, évolution oblige, le T-X possède non seulement la capacité de se fondre en métal liquide, mais peut désormais modéliser et activer une arme ultra-complexe à la technologie futuriste, un canon plasma qui rappelle le rayon delta de Cobra, dans son bras. C’était impossible précédemment. Les machines auraient ainsi contourné l’écueil principal du voyage dans le temps – celui même qui fait débarquer des visiteurs nus comme des vers et sans le moindre équipement. Intégrant également des fonctionnalités de réseau sur-puissantes, le T-X envahit les systèmes informatiques et les réseaux électriques pour prendre le contrôle de tout ce qui bouge mécaniquement (voitures, robots, caisses enregistreuses, parcmètres…).

Mais curieusement, cette entité supérieure butte encore sur un bon vieux T-800 (après deux tentatives échouées, avant d’envoyer leur bijou de technologie en mission dans le passé, à peine sortie d’usine, les machines ne le testent visiblement pas, il y a donc toujours un temps d’adaptation un peu agaçant). Et malgré ses capacités de stockage informatique et une version manifestement avancée de l’Intelligence Artificielle, aucune mise à jour fatale de Skynet, aucun impact purement informatique sur l’enjeu planétaire – le T-X n’a qu’une mission, supprimer John Connor en déroulant tranquillement une liste de cibles prioritaires. Et généralement semer le chaos, en passant, pour préparer l’inévitable conflit, mais cela semble relever davantage de l’initiative personnelle que du plan machiavélique.

Terminator Renaissance (McG, 2009) – la trilogie avortée

Alors que les quelques flash-forwards sur la guerre ouverte entre homme et machine dans les Terminator de James Cameron laissaient entrevoir quelque chose d’épique, du grand spectacle, des scènes de bataille à très grande échelle, le champ de bataille de Terminator Renaissance parait désespérément vide. Effectifs réduits, combats vite pliés, machines dominantes et ambiance glauque, l’univers post-apocalyptique tient ses promesses, mais cette réalité-là se révèle trop morne, voire morbide, pour plaire. Alors qu’une trilogie était prévue, le passage dans les tranchées avec une humanité décimée et une résistance poussive en pleine souffrance, dans l’attente de son leader, n’aura duré que le temps d’un film.

Un casting de blockbuster avec Christian Bale, Sam Worthington, Anton Yelchin, Helena Bonham-Carter et Michael Ironside, complété par une Bryce Dallas Howard montante, le rappeur Common (déjà remarqué dans Mise à Prix) et la charmante et percutante Moon Bloodgood. Des ambiances à mi-chemin entre le premier Terminator et le second, avec des rappels inspirés des thèmes musicaux originaux: le thème de Brad Fiedel à la guitare sèche, symbole de la dépression technologique ambiante, et l’incursion du fameux You Could Mine, de Guns’N’Roses, du grand art. Malheureusement, une adhésion modérée du public et des soucis économiques ont eu raison de cet avatar.

Terminator Genisys (Alan Taylor, 2015) – le retour d’Arnold

Arnold de retour, Jai Courtney, Emilia Clarke, Jason Clarke et même J.K. Simmons, l’affiche était prometteuse.

Artistiquement, Genisys est un chef d’œuvre bien au-delà des espérances. Au lieu de tâtonner respectueusement autour de l’œuvre de James Cameron, les scénaristes Laeta Kalogridis et Patrick Lussier se sont emparés du mythe et l’ont entièrement revisité avec des idées fortes, laissant sur place les fans de la première heure. Trop, sans doute, mais quel panache! Quel culot! Totalement décomplexés, les auteurs ont littéralement malmené la timeline, redéfini des concepts a priori acquis et gravés dans le marbre, se permettant de rejouer des scènes du premier film classé monument historique, produisant un remix totalement inattendu, loin des convenances de l’exercice. Un film qui divise, soit on déteste, soit on adore. Un point bonus pour l’originalité. Mais des résultats mitigés au box-office et de nombreux commentaires.

Alors qu’il l’avait soutenu de loin au moment de sa sortie en salles (coup de pouce promo à son vieil ami Arnold), James Cameron ne souhaite pas s’imposer de suivre cette route alors qu’il récupère le contrôle de sa franchise. C’est son droit, en tant qu’auteur fondateur, il revient aux fondamentaux pour produire une nouvelle trilogie, à sa manière. C’est en tout cas le pitch. Comme d’habitude à Hollywood, c’est le public qui décidera en salles si l’histoire mérite encore des épisodes supplémentaires.

Légitime retour aux sources

En y réfléchissant un peu, la posture de James Cameron est parfaitement logique. Au moment de lancer la pré-production d’un nouveau film (le sixième, pas moins), pourquoi s’embarrasser, à la fois d’un point de vue créatif et commercial, de ces suites qui n’ont pas convaincu le grand public? En prenant ses distances, le créateur de Terminator rassure les fans de la première heure, dont il aura bien besoin pour garantir un franc succès en salles. Il s’assure donc également le soutien des investisseurs avec un effet d’annonce particulièrement payant. Même si on garde un œil nostalgique sur ces suites bannies, qui ont fait leur effet alors que James Cameron s’adonnait à bien d’autres projets – et restent très digestes – le retour du maître est à l’évidence une excellente nouvelle.

OncleGil