Quand Canet met le rock en scène

Guillaume Canet est anxieux. Tourmenté. Épuisé. Mercredi 15 février, son dernier film, Rock’N Roll, est sorti au cinéma. C’est la fin du voyage, après une longue tournée de promotion dans toute la France. Alors que d’autres projets sont déjà en préparation, l’acteur vedette du cinéma français joue le tout pour le tout avec une comédie singulière où il malmène sa propre image, mettant en scène une vie de famille peut-être trop rangée sous forme de docu-fiction. Un authentique OVNI.

Ce n’est pas du ciné-réalité, c’est inventé à partir d’une question réelle, posée par une journaliste lors d’une interview – Canet est-il trop rangé, has-been à 43 ans? Pas assez rock? Pour mettre au point son film, Canet a déployé tout un arsenal. Il y a des ficelles assez classiques, (l’entretien avec le roi du rock, Johnny, pour faire le point) mais bien cachées au milieu d’idées originales et d’astuces de mise en scène. Tous les coups sont permis, même ceux qu’une certaine presse assène régulièrement au couple, l’auteur s’en amuse et se les approprie après les avoir, de son propre aveu, maladroitement combattus.

Un film personnel, inventif, inspiré, drôle et maîtrisé qui rappelle d’autres prédecesseurs sans toutefois s’en approcher de trop près. Guillaume Canet cite notamment « Grosse fatigue » de Michel Blanc, mais aussi Seinfeld, des références où les auteurs jouent leur propre rôle, un genre qu’il ne prétend pas inventer. Un film bien écrit, au rythme impeccable, qui se distingue des comédies habituelles par un souci d’originalité dans le déroulement du récit. Guillaume Canet s’interdit la facilité, il arrive à surprendre parfois par des petites astuces, enrichissant considérablement son histoire. L’acteur donne tout pour servir son propos, au risque de brouiller son image publique, passer pour un authentique gros ringard, un rôle tellement bien joué qu’il pourrait sembler étrangement naturel – et coller à la peau de son auteur. Un auteur qui a donc passé son temps à s’expliquer à son public, avec sincérité et clarté (parmi tant d’autres passages à la télévision, rencontres lors des avant-premières, une rencontre au Théâtre du Rond Point organisée par Télérama).

Un risque partagé par sa partenaire, Marion Cotillard, qui montre son métier avec auto-dérision et sort même le grand jeu pour des séquences d’anthologie.

Alors non, Guillaume Canet n’a pas fait ce film suite à un pari perdu, ce n’est pas un gage ou une dette de jeu, c’est une œuvre voulue et assumée par son auteur, qui se décrit lui-même comme un « ouf » en la circonstance. Peut-être avec le sentiment, après l’échec de « Blood Ties » et l’année sabbatique qui a suivi, de n’avoir, au fond, rien à perdre. Une prise de risque totalement consciente, peut-être même jouissive. Une revanche, en même temps. Une manière de prendre le contrôle, en pilotant lui-même cette intrusion fictive dans sa vie privée. Reste à savoir si le public, dans son ensemble, sera au rendez-vous. Et il y avait déjà du monde à la toute première séance, le 15 février, dès 9h, à l’UGC Les Halles, à laquelle assistait, ému, authentique, l’acteur-réalisateur avec son équipe (son acolyte Rodolphe Lauga, le producteur-comédien Alain Attal, le comédien Philippe Lefebvre et parfois Marion Cotillard). La conclusion d’une longue tournée d’avant-premières dans toutes la France, où les salles combles ont apprécié le film et ri de bon cœur. Un bon présage pour ce film, et le retour à la réalisation d’un prodige du cinéma français.

OncleGil

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